Témoignage à Grand Quevilly

Lycée Val de Seine, Grand Quevilly Ángel Robles, professeur d’espagnol


Les échanges scolaires au lycée.

Après l’année de stage, j’ai eu la grande chance d’avoir un poste fixe au Lycée Val de Seine à Grand Quevilly à la rentrée de 2007.

Depuis quelques années déjà, Emmanuelle Mesnage proposait à ses élèves du lycée des séjours linguistiques en Espagne, et je l’ai d’abord accompagnée, et j’ai ensuite organisé moi-même un premier séjour avec son aide précieuse.

Quand on organise un voyage avec des élèves et que l’on en parle, on met souvent en avant l’énorme charge de travail que ce projet, qui n’est pas intégré dans le service de l’enseignant de langue ni toujours reconnu comme une mission particulière, représente. Mais il n’est pas moins vrai que ces voyages sont souvent une occasion extraordinaire : ce sont des moments forts partagés avec les élèves, et avec les collègues.

Grâce à ces voyages j’ai aussi continué à apprendre beaucoup sur mon métier et l’environnement dans lequel je l’exerce : je pense en particulier à l’année où Pascale Lorin, infirmière du lycée, a fait partie de l’équipe d’accompagnateurs, et aussi à une autre année où Hélène Henrio, alors CPE, nous a accompagnés.

Depuis que je pars à l’étranger, j’aime davantage mon travail. Je pense souvent à une boutade d’un comédien espagnol qu’on aimait répéter avec mes colocataires des années d’études en Espagne : « Como fuera de casa, en ningún sitio », et j’ai trouvé à chaque fois très plaisant et très instructif ce moment de l’année où l’on sort de l’établissement.

1) Vos débuts dans les échanges scolaires répondent-ils à un besoin précis ou/et s’agit-il d’une envie de changement ? Si oui, lesquels ?

La section binationale franco-espagnole « BACHIBAC » a été ouverte au lycée Val de Seine en 2012, et j’ai enfin trouvé un partenaire pour organiser un échange d’élèves l’année suivante. Il s’agissait du lycée public Jimena Menéndez Pidal de Fuenlabrada (Madrid).
Je pense beaucoup de bien des voyages scolaires organisés avec un prestataire qui propose un programme et des familles d’accueil sur place. Seulement, souvent les élèves nous faisaient part de leur frustration par rapport à la communication très limitée avec ces familles d’accueil.
Ce premier échange scolaire répondait en effet à un double besoin : celui de donner une dimension réellement binationale à la section grâce à un partenariat pérenne, et celui de permettre aux élèves de pratiquer de façon plus intensive la langue qui les motivait tant.
Pour des raisons administratives indépendantes de notre volonté, nous avons dû changer de partenaire l’année dernière. Et cette année nous réalisons l’échange pour la deuxième année consécutive avec le Colegio Valdeluz, établissement privé de Madrid.

2) Qu’est-ce que vos projets ont changé dans votre pratique de tous les jours ?

Tellement de choses ! J’évoquerai seulement deux points qui me paraissent essentiels maintenant : je comprends mieux ce deuxième rôle d’éducateur d’élèves, associé à celui d’enseignant, qui jusqu’alors ne me paraissait pas si évident que cela.
Je me rends compte également de la chance (encore ce mot !) que j’ai de « devoir » travailler en équipe pour assurer le succès du projet : avec Claire Maurin, la deuxième professeure principale de la classe, avec Martial Beuzelin, le professeur d’Histoire-Géographie de la section binationale, et enfin avec l’équipe d’espagnol du lycée qui avec beaucoup de générosité me remplace dans des tâches (passation d’oraux, corrections, réunions…) qui doivent être impérativement réalisées pendant les périodes où nous accueillons les correspondants ou bien quand nous sommes partis.

3) Qu’est-ce que ces projets ont changé chez les élèves ?

L’échange s’adresse en priorité, mais pas exclusivement (cela dépend du nombre de places) aux élèves de la section, qui sont déjà très motivés par l’apprentissage de la langue. C’est donc une source de motivation supplémentaire pour eux. Je ne pourrai pas décrire justement leur impatience ni leur enthousiasme !
« Mobilité d’élèves » n’est plus une expression paradoxalement figée. L’échange de groupe en 2nde se transforme pour quelques élèves en possibilité de faire un échange individuel l’année suivante, ou bien en désir (déjà concrétisé deux fois pour deux de nos élèves de la section) de partir lors de l’année de 1ère dans un établissement français en Espagne.
Et il y a encore un autre aspect : cette immersion linguistique et interculturelle pendant deux périodes la même année (quand on accueille les correspondants, et quand nous partons) est extrêmement bénéfique par rapport à l’enrichissement du vocabulaire et bien sûr par rapport à l’utilisation « autonome » de la langue.

4) Est-il possible, compliqué ou aisé pour vous d’introduire des phases d’échange entre vos élèves et leurs correspondants dans votre progression de séances et de séquences. Expliquez pourquoi et comment ?

Compliqué. Articuler toute une progression pédagogique autour du thème de l’échange, en intégrant en plus les collègues et les élèves espagnols, avec les contraintes d’organisation, de temps et d’équipement des salles, me paraît un travail titanesque. Je suis admiratif des collègues qui réussissent à le faire ! J’essaie cependant de faire en sorte que les élèves aient à l’esprit ce projet depuis le début de l’année, en leur proposant des projets de fin de séquence et des activités (cf. pièces jointes) qui soient en lien avec l’échange. Le moment où nous regardons en classe les vidéos réalisées par les correspondants ne peut pas remplacer une communication directe avec eux, mais c’est quand même un moment fort sympathique. Cela dit, dès que nous sommes en mesure de former les binômes de correspondants, les applications de messagerie et les réseaux sociaux sont des alliés pédagogiques immédiats.

5) Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui souhaiterait se lancer dans cette aventure avec ses élèves ?

Si vous n’avez pas encore organisé de voyage ou d’échange, assurez-vous du soutien du chef d’établissement. La préparation est passionnante mais complexe et entraîne une certaine « désorganisation », qui apporte beaucoup aux élèves, certes, mais qui peut être aussi une source de petits malentendus ou de conflits : présence d’élèves qui ne connaissent pas le fonctionnement de l’établissement, emploi du temps modifié, cours banalisés, difficulté du choix des dates quand les périodes d’évaluation institutionnelles et des vacances ne coïncident pas… À cause de tous ces obstacles, il faut que ce soit bien stipulé que l’échange n’est pas « le projet –lire le caprice- de M. ou Mme. Untel », mais bien un projet pédagogique conséquent et cohérent qui s’intègre dans le volet « ouverture internationale » du projet d’établissement.
Parlez-en très tôt au gestionnaire, car l’aspect financier est plus complexe que quand vous organisez un voyage, et il ou elle vous aidera à anticiper aussi des points d’organisation auxquels vous n’auriez pas forcément pensé : les élèves internes, les passages à la cantine aux heures de pointe…
Travaillez en équipe… et intégrez le plus possible les collègues de l’établissement dans le projet : cette année, la documentaliste, la professeure d’EPS, la professeure d’Arts appliquées du lycée professionnel, la professeure de l’option théâtre, le professeur de mathématiques, pour ne citer que quelques-uns des collègues qui se sont impliqués, nous ont aidés à trouver des idées originales qui ont enrichi le programme que nous avons proposé aux correspondants.
N’oubliez pas de donner des missions aux élèves pendant l’échange (communication d’informations dans le groupe, organisation des déplacements au sein du lycée…).

6) Comment trouver un partenaire pour réaliser un échange ?

Les deux établissements avec lesquels nous avons réussi à aller jusqu’au bout du projet s’étaient inscrits, eux aussi, sur le « Programa de intercambios escolares de la Comunidad de Madrid » :

http://www.educa.madrid.org/web/cie.madrid/

Cette page a donné beaucoup de visibilité à notre annonce quand nous étions en recherche d’un partenaire :

https://www.mecd.gob.es/francia/convocatorias-programas/convocatorias-francia/Intercambios-escolares.html

J’avais eu, il y a quelques années, l’opportunité de faire un séjour professionnel en Espagne grâce au programme du CIEP :

http://www.ciep.fr/mobilite/sejours-professionnels

Et de ce séjour est né pour ainsi dire la deuxième partie du projet, les échanges individuels en 1ère et Terminale dont je parlais plus haut et que nous développons depuis l’année dernière.

P.-S.

Nous remercions notre collègue Ángel Robles du Lycée Val de Seine de Grand Quevilly.

Partager

Imprimer cette page (impression du contenu de la page)